Simone Kahn et les années fondatrices du surréalisme

La présence de Simone Kahn [Breton] au cœur des deux premières photographies officielles du groupe au Bureau de recherches surréalistes, imprimées en couverture du premier numéro de La Révolution surréaliste en 1924, atteste de sa place dans la dynamique du mouvement. Elle s’impose par sa personnalité lorsqu’elle prend la parole, participe aux réunions et aux activités collectives en marquant sa singularité. En 1922, elle prend part aux expériences des sommeils hypnotiques qui se tiennent rue Fontaine et dont elle relate tout le déroulement à sa cousine Denise Kahn [Lévy]. En 1924 elle tient la permanence de la Centrale surréaliste où elle gère les abonnements à la revue du groupe, et ne manque pas de s’insurger auprès de ses camarades masculins contre le rôle marginal des permanentes… On retrouve également sa présence dans de nombreux jeux surréalistes : son mariage avec Breton ne l’empêche pas, par exemple, de sanctionner d’un « -20/20 » les « femmes mariées » dans le jeu surréaliste de la notation. Enfin, son texte d’écriture automatique dans le numéro 1, et un cadavre exquis dans le numéro 2 font d’elle une des premières et seules contributrices à La Révolution surréaliste. Au-delà de ces quelques rares traces d’une présence active dans le mouvement, tous les témoignages et correspondances confirment la place centrale de Simone Kahn dans la vie quotidienne du groupe jusqu’à la séparation avec Breton en 1928. À cette date, l’histoire intime du couple se mêle à l’histoire collective du surréalisme et à celle de ses crises et recompositions. JC et KS

Denise Kahn (Sarreguemines, 1896 – Paris, 1969)

« Ma Denise, je t’écris. Je t’écris. Tout ce qui se déroule dans mon âme se déroule devant toi » (lettre de 1923, non datée). En l’absence des lettres qu’elle écrit à André Breton, dans les années 1920, nous entendons la voix de Simone Kahn grâce à sa correspondance avec sa cousine Denise Kahn [Lévy]. Cette dernière fait aussi partie de l’aventure surréaliste. Épouse, certes, de Pierre Naville à partir de 1926, et muse de Louis Aragon, René Char et Maxime Alexandre, elle contribue aux activités du mouvement, notamment par la publication de deux textes au numéro 3 de La Révolution surréaliste. En qualité de germanophone, elle est traductrice pour le groupe : elle traduit Theodor Lessing pour La Révolution surréaliste ainsi que d’autres auteurs pour des revues de proches collaborateurs (Commerce). Elle est aussi une militante engagée, qui met sa plume au service de la révolution, avec des traductions pour des journaux trotskystes (La lutte des classes, La Vérité). Après son éloignement du groupe surréaliste en 1928, la « camarade Denise » noue une relation avec Léon Trotsky, pour qui elle traduit des textes en français ( Vers le capitalisme ou vers le socialisme en 1928) et du russe à l’allemand (Die Permanente Revolution en 1930). Plus tard, elle sera une traductrice importante de Friedrich Hölderlin, Carl von Clausewitz, Karl Marx, Friedrich Engels, Nikolaï Boukharine, etc. JC et KS