Des années folles aux années 1970
Simone Kahn [Collinet] a 73 ans lorsqu’elle signe, en 1971, une ardente défense du droit à l’avortement. Bien qu’elle ait d’abord soumis ce témoignage au Nouvel Observateur, qui publie la même année le fameux « Manifeste des 343 », ce texte paraît dans une presse d’extrême-gauche Le Torchon brûle, organe du Mouvement de Libération de la Femme. C’est par l’entremise de Jean-Jacques Lebel, peintre, ancien surréaliste, praticien de l’art-action et anarchiste, qu’elle avait exposé en 1959 à la Galerie Furstenberg et avec qui elle avait gradé des liens d’amitié, qu’elle contacte Marielle Burkhalter, l’une des fondatrice du Torchon brûle. Galeriste reconnue, mère et grand-mère, elle retrace dans ce texte incisif l’évolution des multiples avortements auxquels elle a dû recourir tout au long de sa vie. Le premier, dramatique, advient au début des années 1920, alors qu’elle ignore tout de la contraception. Se décrivant rétrospectivement comme l’archétype de l’oie blanche, « plante de serre » née à la belle époque, Simone Kahn embrasse au temps des années folles les multiples déconstructions surréalistes : refus du devoir conjugal, de la possession, de l’exclusivité… Clandestin et quasi-mortel, ce premier avortement est longtemps tenu secret, par pudeur et par crainte de l’illégalité. Le traumatisme aiguise néanmoins la conscience politique et psychanalytique de la jeune femme, qui correspond notamment dans les années 1930 avec Wilhelm Reich. Psychanalyste freudo-marxiste, plus tard très décrié pour ses études sur l’orgasme, il analyse alors comment le capitalisme et la propriété privée organisent le patriarcat et la division en classes sociales, pourvoyeurs d’une économie sexuelle chaotique, faite de coercition, de misère et de névrose. Mûri des années 1920 aux années 1970, le féminisme de Simone Kahn s’enracine dans une approche socialiste, soucieuse de l’indépendance sexuelle, professionnelle, économique et intellectuelle des femmes. HM